21 June 2019

Alpamayo (5947m)

Nous y voilà. Le matériel est prêt, nous avons fait les dernières courses et préparé les sacs, les précédentes journées d’acclimatation se sont déroulées au mieux, la motivation est au top. Nous prenons le départ pour attaquer l’objectif de ce voyage:

Alpamayo : Directe Française (D+ IV P4 4)

Acclimation préalable

Le week-end précédant notre voyage, je réalisais l’ascension de l’Aiguille Verte (4122m) par le couloir Whymper, dans les Alpes. Puis nous nous acclimations progressivement et préalablement à l’ascension proprement dite:

JourAltitude maxAltitude de nuitée
6 juin 2687 2687
7 juin 41222687
15 juin30803080
16 juin 42003080
17 juin46003080
18 juin40004000
19 juin49003080

La journée perdue – 21 juin

Le lever est matinal, 4h45. Il nous faut rapidement rejoindre le départ à Cashapampa où nous louerons les services d’un muletier. Nous rejoignons Caraz et trouvons à 7h le centre des collectivo en partance pour Cashapampa.

Un doute assaille Fred, qui me demande si j’ai bien pris la nourriture lyophilisée. Je ne l’ai pas, alors dans le doute il va fouiller les sacs déjà attachés sur le toit du transport.

Nous avons oublié les 12 sachets de nourriture dans un placard de la chambre du gîte à Huaraz… Et n’avons pas vraiment d’autre choix que de retourner les chercher. Fred part faire l’aller retour Caraz – Huaraz, et je reste garder nos affaires au centre de transport pendant 5h !

Nous prenons enfin la route pour Cashapampa. La piste de terre, sinueuse et qui longe de beaux à pics, a raison des pneus usés de notre collectivo. Je me fais réveiller par un pneu qui éclate. Et évidemment il n’y a pas de roue de secours alors nous descendons tous et attendons que quelqu’un nous apporte un nouveau pneu.

Nous arrivons enfin à Cashapampa vers 14h30 – nous avions prévu d’y être vers 8h.

Les muletiers nous expliquent qu’il est maintenant trop tard pour un départ et qu’il faudra attendre le lendemain. Nous nous trouvons une chambre dans le village, assez spartiate : plancher donnant vue sur la pièce du dessous par les interstices, toilettes sèches sans papier au fond du jardin et lavabo dans la cour.

Je fais connaissance avec une poule vautrée sur le babyfoot dans un gîte du village.

Nous apprenons en soirée que le muletier qui nous avait été promis dans l’après midi ne sera finalement pas disponible. Nous passons une partie de la soirée à négocier le départ du lendemain. Il nous en coutera finalement 2 mules (une seule aurait suffit) x 5 jours pour la montée et la descente (3 seront effectivement effectués) pour un total de 450 soles.

Montée au camp de base (4300m) – 22 juin

Le muletier arrive enfin et nous prenons le départ un peu avant 7h. L’objectif de la journée est de monter directement de Cashapampa (2900m) au camp de base (4300m) ; nous sommes suffisamment acclimatés et en forme pour ne pas nous arrêter à Llamacorral (3760m).

Le départ est raide et donne ensuite accès à une longue vallée en pente douce.

Nous passons des paysages variés très verts ou très secs, composés de lacs, de marais, de déserts de sable. Je trouve certaines de ces vastes étendues très apaisantes.

Nous avançons à bon rythme mais sommes finalement rattrapés par notre jeune muletier à 4175m au pied de la dernière grosse montée ; il ne s’attendait pas à nous rejoindre si loin. Nous le doublons dans la côte et arriverons avant lui au camp.

Nous arrivons au camp de base au pied des pentes vers 13h, après 6h06 de montée.

Depuis le camp de base nous pouvons admirer de nombreux sommets, dont l’Arteson. L’histoire dit qu’il aurait servi d’inspiration pour le logo de la Paramount.

Notre parcours

  • Distance (km) : 23,8
  • Dénivelé (m) : +1310 -15
  • Altitudes (m) : mini 2930, maxi 4330
  • Horaires : début 6h55, arrivée 12h, durée : 6h05

Montée au camp Moraine (4900m) et au delà – 23 juin

Ce soir nous allons dormir au camp Moraine, situé à 4900m, dans les pentes au dessus du camp base. Nous aimerions également faire un aller-retour au dessus de 4900m afin de parfaire notre acclimatation. Mais nos sacs sont encore très lourds puisque chargés de nombreux jours de nourriture. Alors nous cherchons un porteur qui accepte de monter une partie de notre matériel au camp Moraine tandis que nous nous chargerons du reste.

Un des lacs d’altitude se découvre tandis que nous prenons de la hauteur.

Nous atteignons le camp Moraine parmi les premiers et choisissons notre emplacement pour y dressons la tente.

Après avoir récupéré le sac laissé par le porteur, nous engageons dans les pentes de neige en direction du camp Col.

Nous voilà enfin, ce 23 juin, les pieds dans la neige sur le glacier au dessus de 5000m. Et la vue vaut le déplacement.

Nous faisons un aller-retour jusqu’au pied des difficultés au pied du col vers 5300m et rentrons à notre tente.

Notre parcours

  • Distance (km) :
  • Dénivelé (m) : +1020 -400
  • Altitudes (m) : mini 4330, maxi 5350
  • Horaires : 9h15, arrivée 17h20

Montée au Camp col (5500m) – 24 juin

A vrai dire j’appréhende un peu ce moment. Pour la première fois nous allons devoir porter l’intégralité de nos affaires, et c’est peu dire que nos sacs sont extrêmement lourds. Combien précisément je ne saurais dire.

Nous arrivons au pied des difficultés du col et d’autres sont déjà devant nous, à la montée et à la descente.

Il n’y a rien de difficile mais le poids des sacs est à prendre en compte et nécessite de l’attention supplémentaire.

Nous arrivons à la troisième et dernière longueur.

Depuis le col, l’Alpamayo se découvre alors pour la première fois à nous.

Pour la première fois du séjour, je ressens fortement les effets de l’altitude ce jour là, à 5500m. Après quelques photos je vais me reposer dans la tente, faisant le choix de ne pas prendre de médicaments.

Un total de 14 tentes seront montées au col ce jour là. Il paraît qu’en haute saison c’est bien pire. Plus de 25 personnes vont tenter le sommet demain (!) et tout le monde sera dans le même couloir, les uns au dessus des autres. Une sorte de piste de bowling construite à la quasi verticale.

Après moult discussions, nous décidons avec Fred de consommer notre journée de secours et ne pas tenter l’ascension cette nuit.

Nous assistons à un merveilleux coucher de soleil.

Accessible depuis le camp col, le Quitaraju (6040m) n’a pas autant de succès que l’Alpamayo. Personne n’en a tenté l’ascension pendant notre séjour. Peut-être est-ce à cause des nombreuses avalanches de plaques qui semblent avoir dévalé ses flancs ?

Les départs s’étaleront entre minuit et trois heures du matin, tandis que nous resterons à nous reposer au mieux.

Notre parcours

  • Distance (km) :
  • Dénivelé (m) : +600
  • Altitudes (m) : mini 4900m, maxi 5500
  • Horaires : départ 8h30, arrivée 12h30

Acclimatation au camp col – 25 juin

Nous avons donc fait le choix de partir demain, alors aujourd’hui c’est repos total. Et d’ailleurs mon mal de crâne est maintenant parti et l’appétit revenu, je vais beaucoup mieux.

Nous passons la journée à regarder le paysage, faire fondre de la neige pour avoir de l’eau, et suivre les cordées dans la face. Les derniers rentrent après 15h. Je suis surpris de la stabilité de cette pente qui ne bouge pas d’un pouce mais après de nombreuses heures de plein soleil.

Petit zoom sur la fin de la voie et ces structures de neige/glace si atypiques pour nous européens.

Le couple d’espagnols, ils sont bien à l’écart.

Les différents groupes summiters replient leur camp et entament la descente, nous laissant seul avec les espagnols qui ont fini bien tard et fatigués ; ils vont passer la nuit ici. Les guides locaux assistent les porteurs pour la descente.

A quoi reconnait-on le guide ? C’est celui qui n’a pas un chargement qui dépasse sa tête ..

Nous avons la chance d’assister à notre second coucher de soleil.

Tous ceux qui tenteront l’ascension sont maintenant arrivés. Il s’agit d’un groupe de russes assez peu sympathiques, malgré le fait qu’après que deux de leurs trois réchauds aient rendu l’âme et que nous leur ayons prêté le notre.

Ils reviennent sur l’heure précédemment annoncées et décident d’un départ à 23h – ce qui est bien trop tôt. Nous optons pour un départ plus traditionnel avec un lever à 1h. Je demande au guide du groupe de faire attention à nous car nous serons en dessous, il me répond “je suis un bon grimpeur” et me tourne le dos.

Ascension de l’Alpamayo (5947m) et retour au camp base – 26 juin

Nous partons à 2h, l’autre groupe est déjà bien avancé dans la face. Nous arrivons au pied de la rimaye vers 2h45 et entamons enfin les hostilités techniques. C’est difficile à expliquer mais j’ai l’impression d’enfin retrouver mon souffle, assez court dans l’approche, et que dans cette pente les choses se mettent enfin à leur place.

Nous montons à bon rythme, mais en tirant des longueurs comme le souhaite Fred. Si nous le l’avions pas fait nous serions trop vite arrivé sur les russes. A 6h nous sommes juste sous leur dernière cordée et le soleil levant me permet la première photo correcte.

Les six tentes au camp col sont maintenant quelques points au loin. L’ascension se poursuit, assez répétitive, dans une pente de neige où la glace toujours sous-jacente affleure plus ou moins mais peut toujours s’éviter.

De toute ma carrière d’alpiniste, c’est la première ascension ou j’ose si peu regarder au dessus de moi. ‘Nos’ russes ne sont pas des gens délicats, ne se préoccupent pas beaucoup de nous, et ne cessent de nous faire tomber de la glace sur nous. J’en prends sur le corps, sur les mains, sur le visage si j’ose lever les yeux.

Nous avons maintenant atteint la section finale. Il nous faut attendre que toutes les cordées russes soient passées, l’avant dernière longueur est un fin raidillon.

Dans les flutes de neige
Alpamayo, Cordillère Blanche, Perou

Nous atteignons le (quasi) sommet à 8h30.

Nice isn’t it ?

Et l’attente se poursuit, que tous les russes soient montés derrière leurs guides sur le dernier petit tronçon, puis redescendus en rappel. Pour atteindre ce dernier, il faut laisser ses piolets et se saisir de pieux à neige dans chacune des mains, et entreprendre le contournement à flanc puis grimper dans une neige poudreuse très peu portante. Ça donne envie, non ?

Je suis prêt à y aller mais il est maintenant tard et la dite portion a beaucoup pris le soleil. Fred ne le sent pas, alors on laisse tomber, tant pis pour ces ~5 mètres et le ‘vrai sommet’.

On entame les rappels de la descente, au nombre de sept. Et rapidement on constate que notre corde de 60m, censée être adaptée à des longueurs de rappel de 60m … est beaucoup trop courte. Il nous manque souvent au moins 5 mètres pour rejoindre le point suivant. Alors nous confectionnons le nombreux nouveaux abalakoffs jusqu’à rejoindre sa base.

L’alpamayo vu depuis son pied

Nous sommes de retour au camp vers 12h30, remballons toutes nos affaires et entamons le retour vers 14h. Les cordes de rappel sur estacas – pieux à neige – laissées en place facilitent la descente.

Nous rejoignons le camp base à 4300m assez fatigués de la journée et du portage de nos sacs. Le muletier est déjà monté, nous lui faisons à manger et partageons le repas avec lui. Nous passons alors la meilleure nuit du séjour, d’une seule traite.

Notre parcours

  • Distance (km) :
  • Dénivelé (m) : +650 -1850
  • Altitudes (m) : mini 4300, maxi 5942
  • Horaires : départ 2h, ‘sommet’ 8h30, arrivée base camp 17h50

Retour à Cashapampa – 27 juin

Nous chargeons les mules de toutes nos affaires et partons gambader les sacs presque vides pour rejoindre Cashapampa. Il fait très frais au petit matin, la rosée au sol est encore gelée. Nous en profitons, avant que les températures ne montent fortement en cours de journée.

Cette section de vallée est assez désertique et composée de sable. A gauche, le trek de Santa Cruz, à droite le retour à la maison. Nous prenons la droite et arrivons à Cashapampa vers 13h30.

Nous recherchons un moyen de transport pour rentrer à Huaraz, et finalement c’est au fond d’un bus privatisé par les russes que nous rentrerons, comme des “clandestins”, acceptés par l’un des chauffeurs pour se faire un peu d’argent de poche. Sur le trajet du retour ils en viennent presque au main avec des péruviens qui bloquaient le passage avec leur voiture.

De retour à notre “camp de base” à Huaraz, au sympathique gîte Caroline Lodging, nous goûtons au plaisir simple de notre première douche depuis six jours, et choisissons d’aller au restaurant Creperie Patrick, l’un des très bons restaurants de Huaraz.

Notre parcours

  • Distance (km) : 24,4
  • Dénivelé (m) : +15 -1280
  • Altitudes (m) : mini 2930, maxi 4330
  • Horaires : départ 8h08, arrivée 13h30

9 Comments

  1. Au top !

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    • Top ! Tu es mon héros ….

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  2. Bah t as pas chômé pour faire le compte rendu!
    Bravo pour les photos panoramiques ça donne une bonne idée des paysages dans lesquels nous avons évolués.
    Fred

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  3. Bravo pour cette expé ! Les photos sont magnifiques et le récit donne envie !

    Heureusement que la météo vous a permis de repousser le sommet d’un jour, 25 personnes dans la voie ça aurait été beaucoup moins sympa.

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    • C’est effectivement un paramètre que nous avons clairement mis dans la balance. Les locaux nous avaient expliqué que les prévisions météo ne sont malheureusement pas fiables, alors nous avons dû parier sur le fait que les conditions resteraient excellentes et nous avons eu de la chance !

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  4. Magique !!!!
    Merci de nous rapporter ca avec toi !
    Un jour … peut etre, je ferais pareil :)))

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  5. La photo avec le lac…quelle féérie
    et quelle montagne extra-ordinaire
    plus je regarde, plus j’aime, plus j’ai envie de partir
    merci de nous faire voyager avec toi :)

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  6. Très beau récit et belle aventure, Bravo !

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  7. Magnifiques photos, belle performance, bravo Philippe.

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