8 June 2019

L’Aiguille Verte par le Whymper ou le jour où je devins montagnard

Nous avions prévu de longue date de nous attaquer à la traversée Charmoz-Grepon avec Florian S. Il s’est maintenant remis de sa blessure à l’épaule, mais il a neigé et les arêtes ne sont plus en conditions alors il nous faut trouver un nouvel objectif. Au top de notre forme et motivation nous souhaitons une ambitieuse course classique. Alors sur conseil de guides, nous nous rabattons sur le couloir Whymper à l’Aiguille Verte qui est en bonnes conditions.

Nous scrutons la météo et les bulletins montagne dans la semaine qui précède et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils sont peu engageants. Le samedi sera ensoleillé et les jours suivants neigeux/pluvieux et même orageux. Mais notre motivation ne saurait être affaiblie par pareil détail. Nous lisons attentivement le site chamonix-meteo.com et semblons y lire la fenêtre qu’il nous faut : une nuit étoilée dimanche matin – permettant éventuellement le regel nécessaire – et le démarrage de la pluie/neige en matinée.

Alors nous chargeons les sacs et prenons la route vendredi après-midi et faisons halte à l’hôtel Rocky Pop aux Houches.

La montée au refuge

Samedi sera dédié à la montée au refuge et à la sieste préparatrice. Le trajet a un air de déjà vu, seulement deux semaines après notre dernière venue. Nous croisons le groupe du CIALP du CAF qui est en train de s’amuser dans les pentes de la mer de glace.

Sitôt le diner fini, nous filons au lit avec l’espoir de quelques heures de sommeil, avant notre réveil fixé à minuit pile.

L’Aiguille Verte

Le plan

Nous allons tenter de réaliser l’ascension de l’Aiguille Verte par le couloir Whymper, c’est l’itinéraire (2) sur cette photo :

(c) camptocamp

Le topo camptocamp indique 2-3 heures pour l’approche jusqu’à la rimaye et 2 à 4h + 30 min d’arête pour le sommet.

La météo prévue est très mauvaise ce dimanche, mais nous espérons un regel nocturne et nous comptons sur le fait que les dégradations ne nous tomberons dessus qu’à la descente. Dans tous les cas nous nous fixons comme limite d’entamer la descente avant 9h au plus tard.

Dimanche

Nous ne sommes que deux à attaquer la Verte ce jour là et donc à nous lever à minuit. Nous prenons le départ à 0h40 et c’est avec joie que nous constatons que le ciel est clair et étoilé, il a donc sûrement fait suffisamment froid cette nuit pour permettre le regel.

Nous profitons de traces pour cheminer sur le glacier de Talèfre jusqu’au pied du couloir Whymper, le tout sans chausser les raquettes puisque la neige porte bien.

Nous atteignons l’impressionnante rimaye à 2h40. Le bord supérieur se dévoile plusieurs mètres au dessus de nous dans le faisceau de nos frontales. Elle ne se franchit pas à droite comme de coutume, nous la longeons vers la gauche à la recherche du meilleur point de faiblesse.

Nous la franchissons assez facilement par la gauche, après avoir déposés nos bâtons et raquettes à son pied.

Nous remontons la pente de neige qui la surplombe et butons assez rapidement sur les barres rocheuses. Il nous faut maintenant trouver l’attaque du couloir. Nous traversons vers la droite, et pensons avoir identifié l’attaque mais il s’avère que c’est un cul de sac. Alors nous désescaladons et repartons dans notre traversée vers la droite jusqu’à identifier l’amorce d’un couloir. Il est alors 4h25, nous avons perdu beaucoup de temps à trouver le départ.

Nous sommes maintenant lancés à corde tendue, à bon rythme. La lumière se lève progressivement et me permet quelques premières photos. Vers 5h30 le temps s’est déjà bien dégradé.

C’est à six heures que j’aurais la meilleure lumière et encore suffisamment de visibilité par intermitance. Ensuite cela se dégrade beaucoup et nous serons quasi constamment dans le brouillard.

Nous évoluons à quasi 4000m après presque déjà 1400 mètres de dénivelé dans les jambes. Les mollets chauffent car nous sommes beaucoup sur les pointes avant de nos crampons. L’arrivée au col s’éternise tandis que le brouillard nous joue des tours, par quatre fois nous pensons reconnaître la fin du couloir. Nous atteignons finalement le col à 7h45.

Cela fait maintenant un moment qu’il neige à gros flocon et nous empruntons l’arête, qui est assez large, en nous méfiant des corniches et de la neige fraîche. Nous arrivons sur un replat qui semble entouré de pentes, nous vérifions notre GPS. Nous avons atteint le sommet à 8h05 ! Mais pour la vue on repassera …

Nous revenons au col d’où débute le premier rappel. L’ambiance est intimidante, tandis que les forts vents nous projettent sans cesse de la neige dans les yeux et que gèlent nos sourcils. Les gants sont maintenant trempés. Nous enfilons rapidement de petites doudounes.

Nous partons pour une série d’environ 17 rappels – on en a perdu le compte ! Je serai en tête tandis que Florian se fatiguera les bras en rappelant les cordes.

Il y a de nombreux rappels installés dans la voie, le tout étant de réussir à les trouver. Par deux fois j’ai besoin de les dépasser pour les voir depuis le bas et alors je dois remonter pour les rejoindre.

Tout le monde n’utilise manifestement pas des cordes de 60m, nous posons nos propre relais pour deux rappels. De nombreuses coulées de neige s’écoulent dans la face, purgeant au fur et à mesure la neige qui s’est déposée en quantité. J’esquive une grosse coulée avec un gracieux saut de côté.

En arrivant vers la rimaye, nous comprenons que nous n’avions pas pris le bon couloir au départ, et avions en fait démarré dans une ligne parallèle plus fine à gauche du Whymper.

Le passage de la rimaye demande un peu de réflexion, la ligne de rappel nous amenant directement dans le gouffre. Je passe en me décalant et en visant une partie bouchée, le plus dur étant de ne pas partir dans un gros pendule. J’aide Florian à rester dans le bon axe. A 12h20 la rimaye est franchie.

Nous longeons la rimaye a la recherche des affaires que nous avons laissé, mais sans reconnaître le lieu. Et pour cause, de grosses quantité de neige sont venues se déposer au pied de la rimaye et on bien changé la topologie. Nous retrouvons bâtons et raquettes presque ensevelis sous un cône de neige fraichement écoulée. Nous entamons le retour par le glacier crampons puis raquettes au pieds.

En arrivant proche du refuge, nous sommes interceptés par Jean P. et deux participants du CIALP, venus pour s’assurer visuellement que nous n’étions pas coincés dans le mauvais temps. Nous sommes de retour au refuge à 14h20, heureux mais trempés. Florian s’est probablement fait de légères engelures aux doigts.

Notre parcours

  • Distance (km) : 8
  • Dénivelé (m) : +1450 -1450
  • Altitudes (m) : mini 2687, maxi 4122
  • Horaires : départ 0h40, retour refuge 14h20

Lundi

La météo étant toujours pourrie, la journée ne sera consacrée qu’au retour au Montenvers pour rejoindre Chamonix. Après une grasse matinée et un lever à 7h30, nous entamons la descente.

Sur le parcours nous rejoignons et doublons le groupe du CIALP et notre parcours nous amène sur de belles sections du glacier.

Malgré le mauvais temps, de nombreuses cordées s’aventurent sur le glacier.

Méfiez vous des plaques de neige sur glacier. Celle-ci surplombe de manière très étonnante un beau gouffre.

Le mot de la fin, par G. Rébuffat

« Avant la Verte on est alpiniste, à la Verte on devient montagnard… »

Gaston Rébuffat

Ni Florian ni moi n’étions jamais allé à la Verte, voilà c’est maintenant fait… :)

3 Comments

  1. Bravo les montagnards.
    Dommage pour le temps de m-… et les conditions pas terribles (nous à 5h30 on était déjà dans la tempête de neige et, moins motivées, on a rebroussé chemin vers 7h…).
    Vous avez tout repéré pour y retourner admirer la vue une prochaine fois ;).

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  2. Bravo oui il fallait être courageux pour braver la tempête de neige ! mus par par une volonté tenace de devenir, enfin, après toutes ces années et toutes vos aventures, un vrai montagnard!
    Bon, me reste plus qu’à la faire moi aussi
    Avec Aude Marie, je sens qu’elle est chaude

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  3. Et très belles photos, quelle belle mer de glace, je ne l’ai jamais vue tourmentée ainsi!

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